Jean-Philippe Zermati (médecin nutritionniste, Paris)
Pour perdre du poids, il faut supprimer des calories, et non tel type d’aliments ou tel autre. Il faut restaurer les processus naturels de régulation, pour rétablir l’équilibre énergétique. Autrement dit, réapprendre à ne manger qu’en fonction de ses vrais besoins.
L’approche biopsychosensorielle des problèmes de poids impose de renoncer à présenter le poids comme l’objectif du traitement, à la différence de ce que préconisent habituellement la plupart des approches classiques, qui expriment les objectifs en nombre ou en pourcentage de kilos à perdre. Ce nouveau modèle impose de choisir comme objectifs la restauration des processus de régulation, ainsi que la recherche du set-point et le maintien du poids à ce niveau.
Qu’est-ce que le set-point ?
Le set-point est le seul poids qu’une personne peut maintenir sans se restreindre, et il n’existe actuellement aucun moyen médical de le déplacer. Seules pourront maigrir les personnes se situant au-dessus de leur set-point. Celles qui se trouvent au-dessous, du fait d’une trop forte privation énergétique, grossiront. Celles qui se trouvent déjà à leur set-point ne changeront pas de poids, mais elles auront le bénéfice de maintenir leur poids grâce à leurs processus de régulation et non plus du fait d’un contrôle mental de leur alimentation.
Le set-point peut être sensiblement supérieur au poids que la personne espérait atteindre, au poids actuellement préconisé par les critères de beauté ou même au poids qu’il serait médicalement souhaitable d’atteindre.
Les bases physiologiques du traitement
Les principes universels de la thermodynamique restent la règle absolue: il n’est pas possible d’espérer une perte de poids autrement que par la négativation du bilan d’énergie. Toutefois, selon les individus, en raison des facteurs génétiques, la même réduction calorique n’entraînera pas la même perte de poids. En outre, toute augmentation prolongée des apports caloriques entraîne une prise de poids, que ces calories soient apportées par des aliments lipidiques ou glucidiques. Autrement dit, tous les aliments peuvent faire grossir, y compris les légumes verts ou les yaourts à 0 %, s’ils sont consommés en plus des besoins de l’organisme; ou aucun aliment ne fait grossir, même les frites ou le chocolat, tant qu’il apporte des calories nécessaires à l’organisme.
Pour maigrir, il est donc seulement nécessaire de supprimer des calories, et non de vouloir réduire une catégorie d’aliments (les frites ou le chocolat) plutôt qu’une autre (les légumes ou les yaourts à 0 %).
En situation d’équilibre énergétique, le poids se maintient aussi bien avec une alimentation riche en lipides qu’avec une alimentation riche en glucides. Si les apports n’excèdent pas les dépenses, on peut manger ce que l’on veut.
En d’autres termes, ce qui fait dépasser son set-point, ce sont toutes les calories apportées par des aliments consommés en plus des besoins. Et ce qui fait revenir à son set-point, c’est la suppression des calories apportées par les aliments consommés en plus des besoins. Pour être encore plus clair, ce qui fait grossir, c’est manger plus que sa faim. Ce qui peut faire maigrir, c’est ne pas manger plus que sa faim. Les personnes qui ont dépassé leur set-point enregistrent une diminution de leurs sensations de faim, dont le but est de les inciter à réduire leurs prises alimentaires, afin qu’elles retrouvent leur set-point. Il leur suffit donc, pour maigrir, de se remettre à manger à leur faim.
Les étapes du traitement
D’emblée, il faut distinguer deux aspects. Le premier est le traitement des complications du surpoids (métaboliques, cardiaques, articulaires, pulmonaires…), qui, dans tous les cas, contribuera au mieux-être immédiat ou futur du patient. Ces traitements ne présentent pas de spécificité particulière, ils sont identiques que l’on souffre ou non d’un surpoids.
Le second aspect peut être considéré comme le traitement de fond du surpoids. Il consiste à traiter les troubles de la régulation des apports caloriques (TRAC). Il faut pour cela identifier et neutraliser les différents agents dérégulateurs.
- La sédentarité: nous avons vu le rôle qu’elle pouvait jouer dans le dérèglement des processus homéostasiques.
- Le cycle de la restriction cognitive: il faut restaurer une relation sereine avec la nourriture guidée par les processus de régulation.
- Le cycle du corps gros. Il est indispensable de faire la paix avec son corps et d’accepter son set-point, même si celui-ci est très élevé.
- Le cycle des réponses alimentaires aux émotions: enfin, il faut rétablir une homéostasie émotionnelle. Ce qui signifie que la réponse à une tension émotionnelle doit entraîner la diminution ou la disparition de cette tension sans en créer une autre, de nature différente. En somme, la solution ne doit pas constituer un problème.
Bases et objectifs du traitement
L’objectif du traitement n’est pas le poids, mais la restauration des capacités de régulation.
- Seules peuvent maigrir les personnes au-dessus de leur set-point.
- On ne choisit pas son set-point.
La négativation du bilan énergétique est la condition indispensable (mais non toujours suffisante) d’une perte de poids durable.
- La réduction calorique ne peut porter que sur les calories en trop.
- Les calories en trop sont celles qui sont mangées sans faim ou au-delà de la faim.
- Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises calories.
Le traitement n’est pas standardisé, mais il prend toujours en compte, dans un ordre propre à chaque patient:
- les complications médicales du surpoids;
- le comportement alimentaire et la restauration des processus de régulation;
- la peur de grossir et l’acceptation de son set-point;
- les causes émotionnelles des réponses alimentaires;
- la sédentarité.