Réflexions et retour d’expérience sur l’accompagnement « en ligne »
Il ne vous a sûrement pas échappé que nous avons traversé (et traversons encore) depuis plus de deux ans une crise sanitaire, qui a lourdement impacté notre quotidien, et notamment notre façon de prendre en charge les patients.
Les confinements successifs nous ont tous plus ou moins familiarisés avec la « visio », et si les patients ont peu à peu retrouvé le chemin du cabinet où ils étaient auparavant pris en charge, nombreux sont ceux qui ont pris goût à la téléconsultation. Entre autres avantages, ce mode de prise en charge permet en effet l’économie des temps et des coûts de trajet (avec l’évolution récente du prix des carburants, cet aspect va peut-être prendre une importance encore plus grande), ainsi qu’une réduction de l’impact environnemental.
Mais ce mode de prise en charge est-il « GROS-compatible » ? Autrement dit, la téléconsultation est-elle une entrave à la bonne prise en charge de nos patients dans une optique GROS ?
L’alliance thérapeutique à l’épreuve de la visio
S’il est un élément essentiel au bon déroulement d’une prise en charge GROS, c’est bien l’alliance thérapeutique. Et j’entends déjà les réfractaires à l’outil informatique préparer leurs arguments : à travers un écran, impossible d’établir le climat de confiance nécessaire. Je reconnais que si l’une ou l’autre des parties est inconfortable avec les écrans et les outils de téléconsultation, cela risque de rendre la chose difficile. Mais dans le cas contraire, les éventuelles difficultés techniques rencontrées peuvent justement être utilisées au profit de l’établissement de cette alliance : « L’image n’est pas très bien cadrée et bouge sans cesse. Est-ce-que nous pourrions commencer par prendre quelques instants pour que vous vous installiez confortablement et posiez votre téléphone, de telle sorte que je vous voie bien, et inversement ? C’est important pour moi que nous soyons dans de bonnes conditions pour pouvoir vous accompagner au mieux. »
Autre cas de figure où la visio pourrait impacter la relation patient-thérapeute : dans l’expression et la lecture des émotions. En effet, il n’est pas toujours évident de bien saisir les ressentis du patient par écran interposé. Mais n’est-ce pas là le garde-fou idéal pour nous empêcher toute surinterprétation ? « Il me semble avoir vu passer une expression sur votre visage, que je ne suis pas certain.e de bien savoir lire. Pourriez-vous mettre des mots sur ce qui se passe en vous en ce moment ? »
Bref, à moins d’une aversion personnelle pour les nouvelles technologies, les conditions d’exercer proposées par la téléconsultation ne me semblent pas constituer une entrave à l’établissement de la relation de soin façon GROS.
Une dégustation en ligne, pourquoi pas ?
La dégustation fait partie des outils fréquemment utilisés dans nos prises en charge avec les patients. J’avoue qu’avant de l’avoir pratiquée en ligne, l’idée me paraissait incongrue… Mais finalement, pourquoi pas ? Cela demande simplement un peu plus d’organisation en amont, le thérapeute comme le patient devant se procurer l’aliment qui sera dégusté, mais il n’y a là rien d’insurmontable. Et si l’aliment n’est pas exactement le même ? (Cela m’est arrivé avec une dégustation de Bleu d’Auvergne : de part et d’autre de l’écran, le degré d’affinage et la température n’étaient clairement pas les mêmes – on pourrait dire que ce que nous mangions n’avait de commun que le nom !) Eh bien, peu importe : la dégustation n’est-elle pas, quoi qu’il arrive, une expérience éminemment subjective ?
La seule difficulté que je n’ai pas encore à ce jour résolue est celle des dégustations à l’aveugle. A moins d’avoir un « complice » auprès du patient ; mais dans ce cas de figure, je préfère proposer l’exercice hors temps de consultation.
La puissance des ateliers de groupe en visio
La téléconsultation s’envisage aussi en groupe. C’est ce que je mets en œuvre pour Club Mojo, à travers des programmes d’accompagnement en ligne : des ateliers conçus dans un format « ETP » sur la thématique du surpoids / de l’obésité / de l’hyperphagie, doublés d’un chat de groupe via une application de messagerie. Et après 3 ans de pratique, le succès de la formule ne se dément pas : les évolutions observées auprès de nos participantes sont toujours aussi spectaculaires.
En y réfléchissant, je pense que la force de ces programmes réside notamment dans la synergie de groupe : celui-ci agit comme un catalyseur. A l’inverse du fameux dicton, je dirais que dans ce cas de figure, « ensemble, on va plus vite ; seul, on va plus loin » ou plus exactement, « plus en profondeur » dans la compréhension des mécanismes personnels en jeu. Ce qui peut d’ailleurs m’amener à conseiller une prise en charge individuelle à certaines participantes lorsque cela paraît pertinent, pour approfondir, justement, des problématiques qu’il serait délicat de travailler en groupe.
Mais quelle plus-value de la visio par rapport à une prise en charge de groupe classique, me direz-vous ? Je crois que dans ce cas, la visio dépasse le réel. En effet, la catalyse exercée par la prise en charge collective s’appuie souvent sur une connivence, une intimité qui se développe entre les membres. Chacun, se reconnaissant un peu dans les autres, va être enclin à se livrer, et à soutenir ses pairs dans la démarche. Or, cette proximité me semble paradoxalement plus facile à instaurer en ligne. Peut-être parce que l’autre est là sans vraiment être présent ? L’écran semble en effet inhiber les inhibitions : le regard de l’autre est moins lourd lorsqu’il passe par le filtre du numérique. De plus, puisque les échanges se font en ligne, l’usage de la messagerie de groupe se trouve naturellement renforcé (par rapport à une situation d’ateliers en présentiel, qui seraient doublés d’un chat pour favoriser les échanges en-dehors des ateliers, et dont l'usage pourrait paraître moins naturel). Et les participantes trouvent alors un endroit de connivence, où elles savent pouvoir s’exprimer sans être jugées, qu’elles peuvent solliciter à tout moment.
Bref, les accompagnements de groupe en ligne tels que proposés via Club Mojo me semblent montrer que la visio et plus largement les nouveaux moyens de communication constituent un outil au service des méthodes du GROS. A nous de nous en emparer pour déployer encore plus largement la prise en charge du GROS !
Flore Rebischung , diététicienne
Thérapeute du GROS
Promotion 2017