Au sein de notre Groupe de Réflexion, il nous semble important de partager nos points de vue sur des articles de presse concernant l'Obésité et le Surpoids afin de « nourrir » nos idées pour lutter ensemble contre les préjugés et les stéréotypes concernant l’obésité.
En voici un exemple dans ces échanges entre Gérard Apfeldorfer (GA), Sylvie Benkemoum (SB) et Florence Urbain (FU) :
FU : Un article vient d’être diffusé dans Libération, il dit qu’aujourd'hui, l'obésité touche 13% de la population mondiale.
GA : Notons que la France est un des pays les moins touchés, contrairement aux pays anglo-saxons. Nous pourrions alors nous demander ce qui nous préserve de l'obésité, dans une certaine mesure ... Et ce qui nous confère une certaine résistance à l'obésité pourrait se révéler une piste pour les pays les plus touchés … Peut-être sommes-nous un peu plus protégés parce que nous privilégions le plaisir à manger… Nous préférons l’expression «plaisir à manger » plutôt que « manger avec plaisir », car cela sous-entendrait que le plaisir gustatif est un facteur annexe. En effet, manger pour le plaisir que cela procure permet au système hédonique de régulation des apports de jouer à plein. Manger pour le plaisir gustatif est le contraire de manger pour se remplir, ce qui est privilégié chez les anglo-saxons, pour diverses raisons, essentiellement culturelles. D’ailleurs, notons qu’en France, on dit « je suis rassasié » alors que dans les pays anglo-saxons, on dit « I am full ».
En somme, les Français mangent avec leur bouche là où les Anglo-saxons mangent avec leur ventre. Dans le même ordre d’idées, un article récent de Géraldine Camilleri, une épidémiologiste de l’Inserm et Paris 13, montre que ce que nous disons commence à être entendu : en étudiant la fameuse cohorte Nutrinet-Santé, sur plus de 50.000 personnes, il apparaît que les personnes qui répondent le plus aux critères d’une alimentation intuitive, c'est-à-dire qui mangent lorsqu’elles ont faim, et qui ne sont pas en restriction cognitive, sont aussi celles qui ont le plus faible risque de surpoids et d’obésité.
FU : Ainsi, nous favorisons la qualité des repas à la quantité, gardons des moments de convivialité autour des repas et préférons prendre notre temps lors des repas.
FU: Mais nous ne sommes pas la majorité, dans le monde, semble-t-il. Une étude(1) publiée dernièrement dans la revue médicale britannique The Lancet estime qu'une personne sur cinq, au niveau mondial, sera obèse d'ici neuf ans !
GA : Et d'autres études(2) révèleraient que la montée de l'obésité aurait atteint un plafond. Qui dit vrai ? Est-il raisonnable et vraiment utile de prolonger ainsi les statistiques ? Agir ainsi renforcera très clairement la peur de devenir obèse et/ou d’avoir peur des obèses. Or avoir peur de grossir fait grossir, car cela oriente vers la restriction cognitive et l’alimentation émotionnelle.
SB : D’ailleurs, la photo de cet article (une personne obèse, assise - ce qui laisse entendre qu’elle est sédentaire -, ses bourrelets bien visibles sous ses vêtements) entretient les stéréotypes concernant les obèses, et entretient donc cette peur des obèses. La multiplication de ces images renforce l'aspect « épouvantail » de l'obésité et appuie les jugements négatifs et le discrédit sur cette caractéristique qui appartient à des personnes.
GA : Comme l’obésité est désormais une maladie à part entière, il est naturel qu’on cherche à la présenter comme un état épouvantable, afin de dramatiser le sujet. Tout comme pour le diabète, on parlera de la cécité, des amputations, avec une vilaine photo de troubles ulcéreux. Faire peur semble à beaucoup nécessaire si on part de l’idée que cette maladie peut être prévenue ou soignée.
SB : Ce n’est pas la stratégie adoptée par le GROS et nous nous demandons s’il ne serait pas préférable de communiquer des images plus positives de personnes grosses en mouvement, dans une réalité qui ne cherche pas une discrimination positive mais une réalité tout simplement. Il nous semble utile de trouver un compromis entre ces éternelles photos si peu flatteuses qui alimentent des stéréotypes négatifs et d'autres photos qui montrent des personnes obèses plus épanouies et qui s’assument telles qu’elles sont. Au risque de laisser croire que le GROS prêche pour le statu quo pondéral et ne propose rien qui permette de perdre du poids.
GA : Après avoir lu cet article informant d’un rythme de progression important de l’obésité dans le monde, on pourrait aussi être séduits par les discours tels qu’« il faut que les états fassent quelque chose au plus vite pour lutter contre l’obésité », ce type de discours que le GROS dénonce. Car oui, il faut faire quelque chose, mais certainement pas renforcer la peur des obèses !
FU : Il s’agit d’aider la personne à atteindre son poids d’équilibre, c'est-à-dire dans la majorité des cas, l’aider à perdre du poids, car du fait des conduites de restriction cognitive et de l’alimentation émotionnelle, les personnes en difficulté avec leur poids sont pour la plupart au-dessus de leur poids d'équilibre. Il s’agit aussi d’aider à accepter ce poids d'équilibre, qui n’est pas forcément le poids désiré. Réinvestir son corps mal aimé, s’affirmer face à la stigmatisation des obèses, devenir capable de vivre sa vie au mieux, tout cela fait partie des travaux du GROS.
Lien vers l’article : http://www.liberation.fr/planete/2016/04/01/l-obesite-touche-13-de-la-population-mondiale_1443272
(1) Cf. étude dans l’article joint
(2) Etudes :
• Camilleri GM, Méjean C, Bellisle F, Andreeva VA, Kesse-Guyot E, Hercberg S, Péneau S. Intuitive eating is inversely associated with body weight status in the general population-based NutriNet-Santé study. Obesity (Silver Spring). 2016 Mar 17. doi: 10.1002/oby.21440. [Epub ahead of print]
• Salanave B, Peneau S, Rolland-Cachera MF, Hercberg S, Castetbon K. Stabilization of overweight prevalence in French children between 2000 and 2007. Int J Pediatr Obes. 2009;4(2):66-72.
• Rolland-Cachera MF, Péneau S. Stabilization in the prevalence of childhood obesity: a role for early nutrition? Int J Obes (Lond). 2010 ; 34:1524-5.