Peut-on ne pas perturber le comportement alimentaire lorsque l’on donne un conseil alimentaire ?
Katherine Kuréta-Vanoli- Diététicienne-Nutritionniste (Clamart)
Vice présidente du GROS
Le comportement alimentaire humain est gouverné par des systèmes de régulations qui préexistent dans le corps de chacun. Manger répond à une quête. Le mangeur recherche des symboles positifs, des liens tant affectifs que sociaux. Ces régulations inconscientes se réalisent sur des périodes qui dépassent la semaine. Notre corps nous envoie des signaux : sensations et émotions, qui permettent d’y répondre. Manger est ainsi une source de réconfort non négligeable et l’alimentation permet de couvrir nos besoins énergétique, nutritionnels et émotionnels.
Le comportement alimentaire peut être perturbé si on attire trop l’attention du mangeur sur un point particulier de son comportement ou de son alimentation. Il risque, alors de se focaliser sur un message et de s’imposer un certains nombres d’attitudes et de dogmes alimentaires pour s’y soumettre. Ceci peut l’amener à s’opposer à sa propre régulation. Il privilégie alors le côté cognitif au lieu d’écouter son corps qui lui envoi des messages utiles et fiables sur ses besoins. Il se contraint à manger en dehors de sa faim et de ses envies.
Conseiller un individu c’est généralement obtenir de sa part un changement. En pratique clinique il est courant de constater que les décisions de changement effectuées par une personne se font en fonction d’une certaine prise de conscience. Ainsi parmi les motivations on retrouve : avoir envie de changer, trouver important de le faire et y être prêt, en fait se sentir libre de choisir. Cela rejoint la nécessité de ne pas imposer un point de vue, mais d’amener la personne à choisir en connaissance de cause en lui donnant des explications claires.
Concernant l’alimentation, les sources actuelles d’informations sont nutritionnelles, souvent multiples et variées, les recommandations touchent différentes problématiques. La confusion s’installe entre les messages destinés à améliorer ou maintenir la santé, ceux destinés à certaines pathologies, notamment pour traiter les problèmes de poids, et ceux produits par l’industrie agro-alimentaire qui prônent la (sur-) consommation. La répétition de messages amène à la banalisation de ceux–ci et est contre productive. On peut comprendre le désarroi du mangeur. Comme il y a cacophonie au niveau des informations, il retient, pour manger le mieux possible, les injonctions de ce qu’il ne faut pas ou moins manger, sans savoir ce qu’il peut vraiment manger. Ce flou est stressant et insatisfaisant. La pratique de l’éducation nutritionnelle montre ici ses limites.
La piste de l’éducation alimentaire parait intéressante. A l’origine elle est donnée par les parents. Elle permet la transmission de savoir-faire socioculturel et affectif, il déterminera le choix alimentaire, le nombre de repas, les modes de préparation des aliments… Comme les parents sont des mangeurs comme les autres, certains ont des difficultés à transmettre savoir-faire et manières de tables du fait des nombreux messages nutritionnels circulant.
L’éveil sensoriel est aussi un moyen qui permet d’aider nos mangeurs sans perturber leur comportement alimentaire. Il les invite à mieux comprendre leur corps et son fonctionnement. Il leur fait découvrir comment le goût les guide pour mieux répondre à leurs besoins.
Transmettre des messages comportementaux basés sur l’écoute et le respect du corps par le biais d’une éducation sensorielle permettrait l’explication de la régulation sans perdre les repères socio-éducatifs antérieurs.