Rencontre autour des chirurgies amaigrissantes
Rencontre médecins-usagers de la médecine, ouverte à toutes les personnes concernées, organisée par Allegro Fortissimo.
Samedi 14 juin, à 14 heures
Mairie du 13ème arrondissement, 1 place d'Italie, 75013 Paris
Réunion animée par :
Dr Pierre-André PEUTEUIL, psychiatre, membre du GROS
Dr RIZK, responsable de la chirurgie de l’obésité à l'hôpital Jean Verdier à Bondy
Dr DAOUD, chirurgien plasticien à l’hôpital de Gonesse
Compte-rendu de la réunion :
Beaucoup de monde à cette réunion organisée par Sylvie Benkemoun au nom d’Allegro Fortissimo, dans la magnifique salle de la mairie du XIIIe arrondissement de Paris, sur le thème de La chirurgie digestive et la chirurgie plastique chez les personnes obèses.
Le Dr Pierre-André PEUTEUIL, psychiatre, membre du GROS, prend la parole en premier: en bon psychiatre, il commence par nous rappeler la loi, en l’occurrence les indications de la gastroplastie telles qu’elles sont été définies dans les Recommandations françaises pour le diagnostic, la prévention et le traitement de l’obésité de 1998 (voir sur notre site: À qui s’adresse la chirurgie de l’obésité ?)
L’indication de gastroplastie se fait par défaut: elle se fonde sur le constat de l’échec des autres méthodes. En fait, les méthodes diététiques ne sont pas inefficaces, puisque 3/4 des personnes qui font un régime maigrissent, mais elles sont intolérables sur le long terme, si bien que l’immense majorité finit par regrossir… Comme cet échec est attribué à un «manque de volonté», les personnes s’auto-déprécient et se dépriment.
L’obèse, qui se voit incapable de s’imposer à lui-même la contrainte diététique, choisit de se soumettre à une contrainte extérieure, en l’occurrence la gastroplastie. Celle-ci n’est donc que rarement un choix volontaire, mais plutôt vue comme «la seule solution qui reste», une soumission à accepter, par laquelle il faut bien passer. La gastroplastie n’est pas, comme beaucoup le croient, la fin de la lutte pour le contrôle de l’alimentation, mais plutôt un déplacement de cette lutte: la nourriture reste toujours un adversaire.
Le chirurgien est quant à lui vu comme le «Seigneur des anneaux», tout puissant, ce qui lui confère une obligation de réussite (d’où sans doute le développement des procès par des opérés mécontents). Il est aussi rapidement identifié par le patient comme le seul interlocuteur valable, tandis que le nutritionniste, le psychiatre, le psychologue sont déclassés.
Mieux vaudrait que le chirurgien fasse partie intégrante d’une équipe pluridisciplinaire dont il serait le «bras séculier».
Le résultat de tout cela est que le patient est le plus souvent dépossédé de son amaigrissement : il ne maigrit pas par lui-même, il est maigri par d’autres.
Ce type de fonctionnement est préjudiciable : un travail de préparation psychologique devrait précéder l’opération de gastroplastie, et après l’opération, ce travail devrait se poursuivre, avec un médecin nutritionniste, un psychologue ou un psychiatre, afin d’aider le patient à faire face à des difficultés d’un type nouveau, liées à son amaigrissement et aux modifications psychologiques et relationnelles que cela implique.
Au total, passer de l’état d’obèse à celui de personne mince est une opération complexe, qui ne peut pas être que chirurgicale.
Le Dr DAOUD, chirurgien plasticien à l’hôpital de Gonesse prend ensuite la parole.
Il expose les possibilités de chirurgie plastique et réparatrice chez les personnes handicapées par des obésités massives, gênées dans leur vie quotidienne par des ventres en tabliers de sapeur, des seins trop lourds à porter. Cette chirurgie concerne aussi les personnes ayant maigri de façon importante, qui conservent des amas graisseux localisés, ou qui ont un surplus de peau gênant.
Les indications ne sont pas posées par le chirurgien seul: la plupart des patients sont adressés au chirurgien après des consultations pluridisciplinaires de l’obésité. Il n’est pas question ici de chirurgie miracle, destinée à peaufiner des beautés, mais plutôt de réparation de handicaps. L’objectif est parfois de faire une «cure de propreté», qui ne permet pas d’alléger le poids, mais permet d’augmenter le confort fonctionnel et la qualité de vie.
Lorsqu’il s’agit de personnes ayant maigri, et que l’objectif de la chirurgie plastique est celui d’une amélioration, non pas fonctionnelle, mais esthétique, mieux vaut que la personne soit opérée lorsque son poids est «stabilisé». Mais quand est-il vraiment stabilisé? En la matière, on sait bien que rien n’est jamais gagné…
Par qui se faire opérer, demandent aussi des intervenants. Qui est sérieux, qui ne l’est pas ? Le Conseil de l’ordre des médecins est le plus souvent à même de répondre à ce genre de questions.
Mme Sophie REVERDY rapporte ensuite son expérience personnelle. Elle s’est faite opérer à l’âge de 18 ans il y a 15 à 20 ans de cela, à une époque où ces opérations n’étaient pas encore entrées dans les mœurs. Après une tentative avortée dans un hôpital parisien, un petit chantage pour obtenir l’accord de ses parents, elle se bat pour se faire opérer par le Pr Edward MASON, à Iowa City, aux USA, qui est l’inventeur de la technique de la gastroplastie verticale par agrafage. Elle est prise en main par une équipe chaleureuse et attentionnée, et fait la promesse solennelle à son chirurgien de faire 3 ans de psychothérapie à l’issue de la chirurgie: promesse tenue !
Elle passe de 130 kilos à 50 kilos, doit encore passer par diverses opérations de chirurgie esthétique, se met aussi à la gym.
Le chemin aura été long et difficile. Mme Reverdy ne considère pas qu'elle est une personne identique à quelqu'un qui n'aurait jamais souffert d'obésité. Elle n'a pas un corps parfait. Mais elle vit sa vie…
Histoire exemplaire: on voit à quel point une gastroplastie peut aider, mais aussi comment il est nécessaire que cette chirurgie soit un élément d’une démarche globale, comprenant un travail psychologique, corporel, et sur le comportement alimentaire. Nous sommes loin du rêve fallacieux de la magie amaigrissante.
Le Dr RIZK, chirurgien plasticien, responsable de la chirurgie de l’obésité à l'hôpital Jean Verdier à Bondy, expose ensuite les techniques chirurgicales amaigrissantes usitées aujourd’hui.
On distingue :
- la chirurgie restrictive, qui consiste en la pose d’un anneau gastrique, qui enserre l’estomac et en restreignant la contenance de celui-ci, empêche de manger plus d’un certain volume de nourriture par repas. C’est la technique utilisée aujourd’hui en première intention. Elle est faussement simple, et divers accidents peuvent se produire (glissement ou passage de l’anneau dans l’estomac, par exemple) qui obligent parfois à une nouvelle opération et nécessitent un suivi régulier. Les vomissements, courants, ne sont pas à considérer comme «normaux». Bien au contraire, ils risquent de déplacer l’anneau, de provoquer des érosions de la paroi de l’estomac. On sait aussi que l’enlèvement de l’anneau entraîne pratiquement toujours une reprise de poids, comme le précise le Dr Martin, chirurgien, présent dans l’assistance.
- La chirurgie malabsorptive, en l’occurrence aujourd’hui le by-pass gastrique, qui empêche partiellement la digestion des aliments, qui ressortent alors dans les selles. Ce type de chirurgie présente plus d’inconvénients : opération plus lourde, plus risquée, «dumping syndrome», création d’une maladie de malabsorption avec diarrhées, nécessité d’un suivi médical et nutritionnel à vie, de supplémentations en certains nutriments qui ne sont plus absorbés, dégoûts alimentaires… Outre les problèmes liés à l’acte chirurgical lui-même et aux complications possibles de celui-ci, le problème posé par ces opérations est celui de leurs bonnes indications: nous sommes renvoyés aux exposés du Dr Pierre-André Peuteuil et de Mme Reverdy.
L’obésité ne saurait donc être considérée comme un problème d’ordre purement technique, curable par telle ou telle préconisation diététique ou par une chirurgie d’ordre magique. Bien au contraire, les personnes ayant des obésités massives, en souffrance avec leur poids et leur comportement alimentaire doivent se préparer à effectuer un long chemin, dont la chirurgie, lorsqu’on décide d’y avoir recours, ne peut être qu’une des étapes.
Gérard Apfeldorfer