A compter de samedi, la vaccination contre le Covid-19 sera étendue à toutes les personnes de plus de 18 ans qui ont «une surcharge pondérale sérieuse». Sylvie Benkemoun, présidente du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids, revient sur cette annonce auprès de «Libération».
par Cassandre Leray
Après des mois d’attente, les personnes obèses ont enfin droit aux vaccins. A compter de samedi, la vaccination contre le Covid-19 sera étendue à toutes les personnes de plus de 18 ans «qui ont une surcharge pondérale sérieuse», a annoncé jeudi Emmanuel Macron. Soit «un indice de masse corporelle supérieur à 30». Jusqu’ici, les personnes obèses pouvaient être vaccinées uniquement si elles étaient âgées de plus de 50 ans. Une incohérence pointée du doigt par des associations comme Gras politique ou le Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (Gros), alors qu’il est constamment répété que les personnes obèses étaient plus à risque face au Covid-19. Sylvie Benkemoun, présidente du Gros et psychologue-psychothérapeute, pointe le manque de prise en compte des personnes obèses au cours de cette pandémie.
Comment les personnes grosses ont-elles été considérées au cours de cette pandémie ?
Jusqu’ici, c’était incompréhensible de voir à quel point on était touchés et pourtant si peu considérés. Que le vaccin ne soit pas accessible en priorité aux personnes obèses, alors qu’on répète constamment qu’elles sont particulièrement à risques, c’était invraisemblable. C’est rassurant de voir qu’elles sont enfin prises en compte et peuvent être vaccinées.
Depuis le début de la pandémie, les décisions sont incohérentes. C’est très déroutant pour nous. Au début, par exemple, les personnes obèses pouvaient travailler de chez elles ou se mettre en arrêt maladie si ce n’était pas possible. Mais ça a été supprimé du jour au lendemain sans que l’on sache pourquoi. Cet arrêt était pourtant la seule façon de pouvoir se protéger à ce moment-là. On nous pointait du doigt, et en même temps on ne prenait pas en charge nos difficultés. Il était temps que la vaccination soit rendue accessible aux personnes obèses de moins de 50 ans, car la pandémie a eu des conséquences graves sur leur vie.
Quel a été l’impact de ce retard de prise en compte dans les campagnes de vaccination ?
Les personnes obèses ont encore plus peur de bouger, de sortir. Elles sont bien plus angoissées que d’autres à l’idée d’attraper le Covid et se sentent menacées. En plus, le confinement est un facteur de stress important qui peut provoquer des troubles graves du comportement alimentaire. C’est donc une double peine pour les personnes obèses, qui se sont encore plus confinées que les autres. Daria Marx, de Gras politique, racontait à quel point c’était difficile. Elle expliquait qu’elle était super angoissée, qu’elle redoutait même d’aller faire les courses, qu’elle désinfectait tout quand elle rentrait… Les patients qui viennent me consulter, eux aussi, sont beaucoup plus isolés que les autres, et toujours en alerte.
Des associations dénoncent également une augmentation de la grossophobie durant cette pandémie…
Oui, la stigmatisation s’est accentuée avec le Covid. Déjà avant la pandémie, on pensait que si une personne était grosse, c’était de sa faute car elle ne mangeait pas bien. Avec le Covid, on a vu des gens dire que les personnes grosses bloquaient les services de réanimation, alors que si elles se nourrissaient correctement elles ne seraient pas là. Cela a accentué la stigmatisation et a eu un impact considérable sur les personnes concernées. Comme on les fait culpabiliser de ne pas avoir maigri ou atteint le poids standard, elles se sentent coupables d’être plus à risque.
Dans l’inconscient collectif, les gens pensent que les personnes obèses, si elles ne voulaient plus l’être, pourraient ne plus l’être. Il y a une méconnaissance de l’obésité : ce n’est pas une maladie de la volonté. Il ne suffit pas de manger soi-disant «équilibré» et de bouger pour maigrir. L’obésité, c’est une maladie, et les personnes qui la développent ne le choisissent pas.
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