Université de la Terre, Unesco, Paris, 2-3 avril 2011
J’étais invité à m’exprimer lors de cette session de « l’Université de la Terre » aux côtés de Carlo Petrini et de Olivier Roellinger sur le thème « Alimentation, environnement et santé : un défi d'éducation ». Olivier Roellinger est un chef étoilé breton, comme son nom ne l’indique pas, tandis que Carlo Petrini est le fondateur du mouvement Slow Food qui, comme son nom l’indique encore moins, a pris naissance en Italie et essaime un peu partout dans le monde.
Était-ce vraiment un débat alors que nous étions tous d’accord ? Olivier Roellinger a bien entendu mis l’accent sur la gastronomie, sur la richesse et l’inventivité de la cuisine française, sur sa souplesse et son adaptivité, rappelant que le repas à la française vient d’être reconnu au patrimoine mondial de l’Unesco.
Carlo Petrini insiste quant à lui sur l’importance de la qualité des produits, sur la nécessité de cette alliance entre les hommes et leur terre. La création d’aliments est avant tout une histoire d’amour, et l’amour est-il industrialisable ? Peut-on faire du vin, du pain, et des spaghetti comme on peut faire des voitures ou des ordinateurs ?
Quant à moi, j’ai rappelé quelques idées qui me sont chères, qui me sont chair : l’importance de la transmission d’une culture alimentaire, l’importance de manger ensemble et de partager.
Les mangeurs que nous sommes sont pris entre deux feux : d’un côté, le consumérisme boulimique de nos sociétés de consommation, et de l’autre, le puritanisme hygiéniste dont les pouvoirs publics nous abreuvent. Nous ne nous en sortirons qu’en revenant à nous-même : à nos sensations et à nos émotions alimentaires, en mangeant pour le plaisir et en nous arrêtant de manger quand nous sommes contentés.
Là où nous nous rejoignons, avec Carlo Petrini et Olivier Roellinger, c’est sur la nécessité, pour pouvoir manger ainsi, d’avoir accès à des produits qui soient bons en bouche, qui soient de qualité. Pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire d’encourager ceux qui produisent de tels aliments, avec amour, en leur donnant la priorité dans nos achats. Sauvons nos producteurs de beaux légumes, de fruits cueillis à maturité, de camembert au lait cru, de viandes provenant d’animaux qui se nourrissent d’herbe grasse, de volailles qui gambadent, d’œufs plein d’omega 3 parce que les poules ont eu leur ration de graines de lin.
Acceptons de payer ces aliments porteurs d’une histoire, d’une géographie, un peu plus cher, afin que le commerce et la production soient équitables, et achetons un peu moins. Plus c’est bon, et moins il en faut pour être contenté !
Gérard Apfeldorfer