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Foutez-nous la paix ! et commencez à vivre.

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 Fabrice Midal , philosophe nous invite à nous « foutre la paix » à ne plus obéir à ces règles qui nous font souffrir et qui nous empêchent de vivre pleinement en accord avec nos valeurs . 

Nous rejoignons ce qui est partagé au fil de ce livre dans  ce que nous proposons dans l’accompagnement des personnes qui sollicitent notre aide pour ne plus obéir à la restriction cognitive.

Le travail thérapeutique engagé permet de se remettre à l’écoute de ses différents besoins physiologiques, émotionnels, relationnels.

Extraits  du Chapitre 2

Cessez d’obéir ! Vous êtes intelligent, soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres.   La Boétie

« J’étais enfant, nous étions en vacances, en famille, dans le sud de la France. Sur la plage, mes parents nous avaient inscrits, ma sœur et moi, à un concours de châteaux de sable. Nous disposions d’une heure, je me suis attelé à la construction d’un vrai château, avec ses donjons et ses ponts-levis. Je n’ai pas réussi à en terminer la moitié. Ma sœur, elle, avait choisi de sculpter une coccinelle et, pour qu’elle soit parfaite, elle l’avait ponctuée de confiture de fraise – elle en avait rapporté un pot de la maison. Elle avait gagné le premier prix, et ma déception était énorme. Non pas parce qu’elle avait gagné, mais parce que j’estimais qu’elle n’avait pas respecté la consigne. Les organisateurs du concours, eux, avaient récompensé sa créativité et évidemment son savoir-faire. Sa coccinelle, je l’admets, était une réussite.

Cette anecdote me revient à l’esprit à chaque fois que je suis pris par la tentation de suivre aveuglément, à la lettre, une règle dans laquelle je finis par m’enferrer. Une règle qui m’est édictée ou, plus souvent encore, une règle que je m’impose à moi-même, que je nomme une habitude et dont je me rends inutilement prisonnier. Je crois bien faire, mais je manque d’une claire vision de la situation. Ce que je fais est absurde…

Obéir semble souvent la solution facile et un gage de prudence puisqu’ainsi nous ne nous écartons pas du chemin tracé par d’autres. Nous n’avons plus peur de nous tromper : en suivant la consigne à la lettre, nous sommes sûrs de « bien faire ». Sans même en prendre conscience, nous nous livrons à un acte de servitude. Nous râlons parfois un peu, mais nous nous exécutons quand même… »

« Pourtant, nous sentons bien qu’obéir sans discuter, sans comprendre pourquoi, voire sans être d’accord, nous étouffe, nous éteint, empêche l’intelligence que nous portons en nous d’éclore. Nous avons envie de dire non, mais quelque chose nous retient. Une éducation, un formatage… »

« Nous sommes comme le petit garçon que j’étais sur la plage : nous croyons bien faire, mais nous construisons les conditions de notre échec. Nous ne savons plus prendre de la hauteur et voir plus grand que le cadre dans lequel nous sommes enfermés, dans lequel nous nous enfermons. Pourtant, ce cadre n’est pas fermé ! Les règles sont beaucoup moins rigides qu’on ne le croit.

Bien sûr, il est parfois risqué de sortir du cadre pour emprunter un chemin nouveau. Pourtant, si l’on y pense bien, nous faisons tous l’expérience de situations où nous nous découvrons des ressources insoupçonnées, un savoir dont nous ignorions que nous le possédions. Nous nous révélons alors à nous-mêmes comme un chiot jeté pour la première fois à l’eau et qui découvre qu’il sait d’instinct flotter et même nager ! Des situations, y compris de la vie quotidienne, à première vue banales, mais où nous nous sommes transcendés. Où nous avons été géniaux parce que nous avons laissé s’exprimer cette intelligence qui ose…. »

« Ma grand-mère confectionnait le meilleur gâteau au fromage du monde. Mais quand je lui demandais la recette, elle me disait qu’elle prenait du fromage blanc, des œufs, du sucre, de la farine… et parfois elle y ajoutait des raisins, des abricots ou d’autres fruits. Je croyais qu’elle faisait exprès de ne pas être plus précise. Mais non, elle inventait chaque fois sa manière de faire, selon son inspiration, et c’était toujours délicieux, parfois meilleur, parfois moins bon. C’est ce « moins bon » justement qui nous tétanise : nous sommes plus rassurés quand nous utilisons une balance de cuisine et suivons à la lettre une recette sans rien y modifier. Quitte à toujours nous répéter, quitte à ne jamais nous surprendre. Quitte à devenir une sorte de robot. »…

« J’en ai moi-même fait l’expérience quand j’ai donné mes premières conférences. Je voulais tellement « bien faire » que je ne faisais que m’étouffer. Je multipliais les lectures, les notes, et je rédigeais un texte que je lisais. Tout le monde s’ennuyait, et moi le premier. J’obéissais à des règles que j’avais moi-même inventées. Un jour, j’ai fini par comprendre qu’il me fallait transgresser ces règles. Certes, je prépare toujours mes conférences, mais, à un moment, j’arrête d’y penser. La première fois que je me suis lancé, sans texte écrit mais avec juste quelques notes, j’ai eu l’impression d’un saut dans le vide. Et j’ai été surpris de l’intensité de l’expérience. Il se passait quelque chose que je n’avais pas prévu. Parce que j’avais commencé à me foutre la paix, à me faire confiance, mes conférences avaient enfin trouvé vie…

Je me suis souvent demandé pourquoi nous persistons à nous soumettre à des règles souvent absurdes, à des protocoles tatillons qui nous brident et nous empêchent d’avancer. Sans doute avons-nous l’impression qu’ils sont un rempart contre le chaos. C’est certainement vrai : je suis convaincu qu’on ne peut pas vivre sans règles. Et ce n’est pas en m’opposant systématiquement à toutes les règles que je serai créatif ou vivant ! »…

« Beaucoup de règles sont nécessaires à la cohésion sociale, mais aussi à notre propre structuration. Il y a des horaires à respecter, des tâches à accomplir, un respect de soi et de l’autre qui doit être accepté par tous. La vraie question à se poser est de savoir lesquelles nous devons suivre : les avons-nous choisies ou non ? Les suivons-nous par peur de nous faire remarquer, de prendre un risque ou en toute conscience ?

J’insiste, car mon invitation à se foutre la paix ne consiste pas à faire n’importe quoi. Au contraire. C’est l’aveuglement à suivre certaines règles qui nous fait faire n’importe quoi.

Je n’appelle pas à la sottise des casseurs, mais à l’intelligence qui existe en nous et qu’il nous faut juste apprendre à redécouvrir.

Je n’appelle pas à l’anarchie, mais à la vie sans muselière. »…

« La grande leçon de la méditation, c’est justement de découvrir les dons du présent qui nous permettent de répondre intelligemment à la situation. En ce sens, la méditation que je défends est une éthique : elle nous demande de savoir faire face à chaque situation et d’inventer un rapport juste à elle. De lâcher la pression des règles, de refuser la servitude volontaire qui favorise la tyrannie sous toutes ses formes. »…

« En un sens profond, personne ne peut donner de conseil à personne. Chaque être est différent. Chaque situation est unique. Et la nécessité de penser par soi-même nous incombe à tous. »…

« Par leur simplicité, les règles de la méditation remplissent cette même fonction. Et leur force est d’être très simples.

En quoi consistent-elles ?

La première règle est d’être présent à son souffle. »…

« Le deuxième pas, qui lui est concomitant, consiste à être ouvert à tout ce qui est là, dans la situation. Ici non plus, il n’y a pas à se forcer ni à obéir : de toute manière, j’entends, je vois, je sens, je pense. Il suffit donc de respirer, d’entendre, de voir, de sentir. D’être présent. La difficulté réside dans cette simplicité, tellement élémentaire que nous avons du mal à l’appréhender. Tellement élastique que nous sommes perplexes face à la liberté qui nous est donnée de la vivre, dans un rapport détendu avec elle, un rapport naturel qui n’est pas un carcan mais une expérience tangible. Je suis alors juste ouvert à ce qui est. La règle ici me permet de restreindre le champ de mon attention et d’être ainsi plus aisément présent. »…

« En ce sens, méditer est un acte radical : je me fous la paix et je me libère des règles qui surgissent en moi, en particulier de celles que je m’impose, la plupart du temps sans que personne ne me demande quoi que ce soit. Il ne s’agit pas d’un exercice, il n’y a ni défis ni instructions, il n’y a pas de réussite ni d’échec. Il n’y a que ce quart d’heure, cette demi-heure ou même parfois plus, pendant lesquels, au milieu de toutes les obligations du quotidien, je pars à l’aventure. Je cesse de vouloir méditer, je cesse d’obéir, je ne fais rien. L’ensemble de ma journée acquiert une nouvelle saveur… »

« Faire confiance à son intelligence est une expérience profonde à côté de laquelle nous passons trop souvent, en refusant d’accorder la moindre confiance à ce que nous ressentons. Méditer m’aide à réveiller ces antennes que j’ai en moi et qui ne demandent qu’à se déployer. Pour peu que j’accepte de ne pas savoir à l’avance ce qui va advenir, de m’ouvrir à l’imprévu et à l’intelligence qui jaillira en moi. Pour peu que je me foute la paix… »

« Cet apprentissage-là n’est jamais définitif, parce qu’on se trompe sur la liberté : nous ne serons, quoi que l’on fasse, jamais ni tout à fait libres, ni tout à fait dans la servitude. Nous sommes tous sur le chemin de la liberté, et ce chemin-là est exaltant. C’est le chemin que je suis depuis des années.

Même si j’ai grandi, je reste parfois le petit garçon à qui l’on demandait de construire un château de sable et qui n’avait su construire qu’un château de sable… »

Publié par Association GROS le